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Rebecca BOURNIGAULT

Dreams Never End »  1

Portraitiste contemporaine, Rebecca BOURNIGAULT utilise essentiellement la vidéo, mais aussi le dessin, l’aquarelle ou la photographie. Elle travaille le portrait de l’icône, deux faces d’une même pièce qui renvoient respectivement au réel et à la fiction, au modèle et au singulier, en prenant soin de toujours mettre les choses dans un nouvel ordre, pour mieux réinterroger son rapport à l’Autre.

Il y a dans l’œuvre de Rebecca BOURNIGAULT unetension permanente entre l’extérieur et l’intérieur, le dessus et les dessous, le lunaire et le solaire, l’animal et le végétal. S’aiment t-ils ou se déchirent-ils ? Jouit-elle ou est-elle « Transverbérée »? Et ce sang, d’où vient t-il ? Où coule t-il ? 2 Est-il encore chaud ou déjà froid ? Et cette musique, d’où sort-elle ? Qui pénètre t-elle ?

Dès le milieu des années 90, se saisissant de moments d’intensité, l’artiste révèle dans une série de portraits vidéos, la complexité de l’Identité qui ne peut être réduite aux discours stéréotypés en usage dans les émissions de télé-réalité ou autres talk-shows: en postant un visiteur face à une caméra et un écran où il découvre une projection de lui-même agrandie (Portraits temps réel, 1994) ou en demandant à des personnes de décrire leur corps, explicitant une conscience du regard de l’autre, les volontaires ne décrivant quasi exclusivement que des parties visibles (Portraits corps, 2001), elle pointe une forme de violence latente à l’oeuvre à travers cet impératif de l’aveu qui se confronte aux autres et au monde. L’autre facette, c’est la confession dans la mesure où elle constitue une production de vérité du sujet, mais cette fois dans son intimité.

Rebecca BOURNIGAULT élabore des machines à interroger le rapport de ces productions discursives du vrai. Dans sa vidéo Portraits Chansons (1992), neuf personnes sont filmées en plan fixe pendant qu’elles écoutent une chanson choisie par l’artiste en fonction de l’idée que Rebecca BOURNIGAULT se fait de la personnalité de chacune.

Dans Portraits je t’aime (1999), l’artiste demande à des personnes (des proches surtout, un acteur notamment, des figures de l’« underground » souvent) de prononcer les termes de l’amour (un « Je t’aime ») devant la caméra. « D’une certaine manière – paradoxe exorbitant du langage –, dire je-t-aime, c’est faire comme s’il n’y avait aucun théâtre de la parole, et ce mot est toujours vrai (il n’a d’autre référent que sa profération: c’est un performatif). »On observe alors une suite de réactions invitant le spectateur, auditeur, regardeur, 3 voyeur, curieux à devenir témoin de l’intimité dévoilée, révélant l’autre autant par ses gestes, ses récits que par ses silences. Il est d’autres silences qui sont assourdissants, comme ceux de la vidéo Loveless (2001) dans laquelle on voit le visage en gros plan deRebecca BOURNIGAULT, casque sur les oreilles, murmurer a capella la chanson « Loveless » de New Order. On est touché par la fragilité de la voix mise à nue.

D’autres motifs sont récurrent dans l’oeuvre de Rebecca BOURNIGAULT la mort, ou plus présicément la vanité, y rôde régulièrement, des têtes de mort à l’aquarelle ou l’installation vidéo La Chambre interdite(2005) qui met en exergue la violence inhérente aux mythes. Le visiteur est cerné par 4 portraits de conteurs, qui narrent simultanément un conte sur le thème de « la chambre interdite ». Barbe Bleue est le conte français.

Rebecca BOURNIGAULT soulève également des questions relatives à l’usage du témoignageet ce témoignage est livré parfois par l’inconscient, à travers ses tondos vidéos. La vidéo Bend (2011-2012)déroule aussi bien une marche de repentance qu’une errance Dada dans la démarche, toujours dans le but d’aborder le réel avec un point de vue renouvelé.Blood (2013) joue du trouble chromatique entre le rouge à lèvres de surface et des menstruations monstrueuses. Deux formes de soumission. Pigment Painting (2014) rejoue le mélange des couleurs dans un certain ordre assemblé, l’urine en guise de liant. Il y’a également Sea (2013) vidéo où un vraisemblable couple se roule dans le sable. Tout circule dans un cercle qu’on apparenterait volontiers à une vue de jumelle, pour le coté voyeur et qui en profite pour faire trébucher l’efficience scopique, troubler la 4vision, la prédisposer à un état second pour fabriquer une image mentale. Quand Rebecca Bournigault est interpellée par les émeutes du mois de novembre 2005 en France, elle dessine les contours d’un corps politique mondial en crise (Les Emeutiers, 2005_2011), tandis que ses vidéos tondo esquissent ceux du corps morcelé, pluriel, parfois hystérique, mais intime.

 

 

Plus récemment, Rebecca BOURNIGAULT est revenu aux motifs du langage en filmant sa fille tirailler le verbe. Elle fait réciter à N.K., 4 ans (N.K, 2012) une interpellation musclée. L’objet de ces petits ovnis visuels est de faire renaître la vérité du sujet, en faisant bégayer le réel , en faisant « bégayer la langue » (Deleuze). La narration acquiert, dans ce contexte, un rôle actif qui se base sur l’expérimentation et la production de récits comme forces propositionnelles afin de déplacer le fantasme et la fantaisie, il s’agit de trouver des ruses, des stratégies de résistance, bref un moment de vérité (du grec crisis).

 

PS : « Il s’agit d’arriver à l’inconnu par le déréglement de tous les sens » (Arthur Rimbaud).

 

Julien Blanpied. Décembre 2014.

 

 

 

1 Dreams Never End est une chanson du groupe de new wave britannique New Order, paru sur l’album Movement, en 1981.

2 Transverbero signifie être percé de part en part et le mot verber veut également dire verge, fouet, baguette.

3Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux, 1977.

4 Le champ visuel humain est inclu dans un rectangle.

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Exposed Work

REBECCA BOURNIGAULT

Née en 1970,
Vit et travaille en France,

Diplômée de l’École Nationale Supérieure d’Art de Bourges et Présidente du Conseil d’Administration.

 

Expositions personnelles :

 

2021Rebecca Bournigault Best Of, galerie NeC, Paris, FR.

2020 Shadows, Espace Diamant, Ajaccio, FR.

2019 Totems, collectif l’ensemble, surfrider, Biarritz, FR.

2018Constelación, mois de la France, Casa Victor Hugo, La Havane, Cuba.

Quel amour, LaCriée, Marseille, FR.

Constellation, galerie Eva Hober, Paris, FR.

Substance,18th Street Arts Center, Santa Monica, Los Angeles USA.

2017 Rebecca Bournigault, La criée, Théâtre, Marseille, FR.

Retrospective Vidéos, MEP, maison européenne de la photo, Paris, FR.

2015 Somewhere without time Yvette Gellis & Rebecca Bournigault, CAMAC centre 
d’Art, FR.

One week one wall one artist, Dominique Fiat, Paris, FR.

Rebecca Bournigault, Institut Français de Düsseldorf,

2014 Dreams Never End, Galerie Biesenbach, Cologne, DE.

Emeutiers, Centre Culturel Français de Cologne, DE.

Détails, Humeur de chien, Paris, FR.

2013 Within a sound, Galerie Dominique Fiat, Paris, FR.

Silent Cry, Galerie d’Exposition du Thêatre de Privas, Privas, FR.

Our Sense, avec Chloé Thevenin, 12MAIL Red Bull Space, Paris, FR.

2012 Water, commissaire Daria De Beauvais, Espace Saint Séverin, Paris, FR.

Printemps arabe, Galerie Patricia Dorfmann, Paris, FR.

2011 Du désert et des Oasis, CAN, Neuchâtel, curator Massimiliano Baldassari, CH.

2010 In search of lost time, Centre Pompidou, Nuit Blanche, Paris, FR.

Nuit Blanche, curator Martin Bethenod, Paris, FR.

Nuit Blanche, curator Martin Bethenod, Metz, FR.

2009 Galerie Desimpel, Bruxelles, BE.

2008 Galerie Von Bartha, Bâle, CH. 
In search of lost time, Galerie Frédéric Giroux, Paris, FR.

2007 Six cent quarante-quatre millimètres, Galerie Frédéric Giroux, Paris, FR.

2006 Galerie Frédéric Desimpel, Bruxelles, BE.

Peintures, Atelier Neess, Paris, FR.

2005 La chambre interdite, Palais de Tokyo, Paris, FR.

Vive, Centre Culturel Français, Milan, IT.

2004 World, espace Frédéric Sanchez, Paris, FR.

2003 Vive, galerie Almine Rech, Paris, FR.

2002 Girls, performance, Palais de Tokyo, Paris, FR.

2001 Préliminaires, Le studio, Yvon Lambert, Paris, FR.

Slow, Galerie Almine Rech, Paris, FR.

2000 La fin de l’amour, mise en scène de Hubert colas, « PORTRAITS I love you » Théâtre de
Mâcon, FR.

Rebecca Bournigault, Espai Lucas, Valence, ES.

 

 

 

 

 

 

REBECCA BOURNIGAULT

BIOGRAPHIE

 

 

Expositions personnelles :

 

 

1999 Préliminaires, Galerie Almine Rech, Paris, FR.

Rebecca Bournigault, Galerie Marta Cervera, Madrid, ES.

Artfair, ARCO, solo show, Galerie Almine Rech, Madrid, ES.

Regard sur soi, les Beaux-Arts de Pau, FR.

1998 Rebecca Bournigault, Galerie deux, Tokyo, JPN.

1997 Galerie Almine Rech, Paris, FR.

Kunstmuseum UWM, Milwaukee, commissaire Peter Doroshenko, USA.

1996 Galerie Paolo Vitolo, Milan, IT.

1994 Centre d’Art Contemporain, Parc Saint-Léger, Pougues les Eaux, FR.

 

 

 

SELECTION de COLLECTIONS  :

 

Fond National d’Art Contemporain

FRAC Limousin

Musée d’Art Moderne de la ville de Paris

Bibliothèque municipale de la ville de Lyon

Collection Pinault

Collections privées Europe

Collections privées USA

Collections privées Japon

Collections privées Canada

 

PRIX :

 

2005 Lauréate du Bélluard, Fribourg, CH.

2004Aide individuelle à la création, DRAC, FR.

2002 Nominée au prix Jalouse, Paris, France.

Nominée au prix Ricard pour l’Art contemporain, Paris, FR.

1999Nominée au Prix Marcel Duchamp, Paris, FR